Mes parents étaient agriculteurs. Quand j'étais enfant, on allait vendre les bêtes au marché et à chaque fois mon père me reprenait : 'Pendant quatre ans, cette vache a été élevée avec amour. Si tu la tapes, elle sera stressée chez le boucher'." Pour Didier Peschard, le respect des bons produits ne date pas d'hier. Il y a consacré sa carrière, pendant trente-huit ans, comme chef du Relais du Gué de Selle, à Mézangers. Il s'est également investi dans Euro-Toques France et Euro-Toques international, dont il a fini président. Depuis sa retraite il y a deux ans, c'est Guillaume Gomez, le chef de l'Elysée qui lui a succédé ! Avec ce livre, il poursuit sa mission de partager son amour de la gastronomie.
Pas de papayes, mais tout le reste !
"Il est vrai que la Mayenne n'a pas une identité culinaire importante. Il y a une telle multitude de productions qu'on n'a pas su s'en approprier une." La Mayenne n'est pas pauvre, au contraire ! Produits animaux, végétaux, le panier est riche. Il n'y a guère que les papayes et la viande de caribou qui manquent à l'appel, ou presque... Mais si vous ajoutez l'adage qui colle à la peau des Mayennais "Vivons heureux, vivons cachés", cela peut expliquer que la Mayenne ne figure pas dans l'imaginaire culinaire des Français. "Les rillettes ont été créées à Tours, mais aujourd'hui on ne connaît que celles du Mans. A être trop discret, on se fait oublier."
Didier Peschard veut casser cette non-image, et mettre sur le devant de la scène l'excellence et la diversité gastronomique du territoire. "Il y a deux ans, les sénateurs Elisabeth Doineau et Guillaume Chevrollier ont invité des producteurs au Sénat. Ils m'ont demandé de préparer les mets. J'ai constaté que les producteurs se connaissaient peu entre eux, et qu'ils n'osaient pas pousser la porte des chefs." Pourtant des liens existent, et ce livre le prouve. "Je suis allé voir des chefs et leur ai demandé quel était leur producteur préféré."
Le livre se déroule donc ainsi, au fil des saisons, sous forme de reportages, écrits par Jacques Bonnet. On fait la connaissance d'un restaurateur, et d'un producteur fermier, ponctué d'une recette, et de photos forcément appétissantes. On retrouve des produits et leurs producteurs, connus des lecteurs de l'Avenir agricole : le sureau de Bertrand Bouflet, les volailles du Gars Daudet, le miel de Thierry Cocandeau, le cidre de Marie et Fabien Bourny ou Olivier et Denis Rouland, les fromages d'Entrammes, ceux de Marieke et Willem De Kam ou de Marie-Hélène et Vincent Demoitié, etc.
Aussi l'hôpital d'Evron
Didier Peschard ne s'est pas concentré sur les "grands" chefs, il a choisi des chefs "attachés à la Mayenne. Par exemple, j'ai sollicité un chef, mais la viande qu'il propose n'est pas une appellation mayennaise..." Alors, il a laissé de côté. Il a aussi mis en avant le chef de l'Ehpad de l’hôpital d'Evron, Pascal Foucault, qui met un point d'honneur à cuisiner local en fonction de ses moyens de collectivité. Didier Peschard s'attache à ces belles initiatives : "Le restaurant de Mayenne La Carotte m'a orienté vers la boucherie de Villaines-la-Juhel, créée par deux agriculteurs. On montre que des agriculteurs se prennent en main."
Il a par ailleurs ponctué le livre de détours pour présenter une bonne vingtaine de coups de cœur supplémentaires : la coutellerie du Haut-Anjou, Au panier fermier, le restaurant solidaire Ma Mijot', le Bœuf fermier du Maine, la bulle du Pin, la Mayennette, le réseau de distribution May'On Court, etc. Et "saviez-vous que la Mayenne est le premier département producteur de quinoa bio ?" (grâce à Agrologic). Maintenant, vous le savez (grâce à Didier Peschard).